Alors qu’À l’ombre d’un rêve, vie amoureuse et imaginée de M. et Mme Edmond Rostand, le précédent spectacle de la Compagnie Intersignes, racontait la vie d’un écrivain et les affres de la création théâtrale et littéraire, c’est aujourd’hui l’itinéraire d’une autre artiste qui a croisé le chemin de Maude et Philippe Bulinge : Camille Claudel.
La redécouverte progressive de l’oeuvre de Camille Claudel depuis une trentaine d’années par le grand public, que l’on doit en grande partie à sa petite nièce Reine-Marie Paris qui parvint à convaincre Isabelle Adjani de s’emparer du personnage, s’accompagne, chez les cinéastes et les chorégraphes notamment, d’une soif de dire Camille, de chanter et de danser Camille.
Le tragique de son existence, l’absolu de son existence, le complet dévouement à une oeuvre qui se construit et se détruit dans le dénuement matériel et physique le plus total, qui mène, même, jusqu’à la folie, interpellent les créateurs contemporains avec une immense violence parce que la vie et le combat de Camille Claudel sont profondément contemporains.
Femme qui s’affirme dans un monde d’homme, femme qui se bat pour pouvoir créer et penser, femme qui aime au-delà même de la passion, Camille est la femme que la vie et la société brisent mais qui laisse derrière elle des météores éternellement incandescents.

 

L’histoire...

Une chorégraphe vient de perdre son mari alors qu’il écrivait un spectacle sur Camille Claudel. Sans savoir vraiment pourquoi, elle décide de poursuivre le travail de son époux...
Une comédienne, qui traverse une révolution existentielle, se présente pour jouer le rôle principal... La vie de ces deux femmes s’entremêle alors à celle de Camille Claudel, au travers des heures de vie profonde que sont les répétitions du spectacle.
Se confronter avec la vie de la sculptrice, ses doutes et ses violences, ses joies et ses fulgurances les entraîne dans leur propre monde intérieur à la recherche du souffle de Claudel...
Trois âmes dans l’urgence d’une vie qui file et file encore, qui se dévoilent, en aimant, jouant, créant. Trois âmes un peu soeurs. Trois âmes de femmes qui veulent être debout. Toujours.

 

Poursuivant leur exploration des genres narratifs et des formes picturales et les transposant à la scène, Maude et Philippe Bulinge ont conçu pour Camille Claudel une scénographie en constante évolution qui s’inspire du roman graphique. Trois écrans projettent narrativement et successivement des images dans lesquelles s’intègrent les personnages. Changements d’angles et de lumières provoquent des focalisations sur les lieux, les époques et les univers spirituels que traversent les personnages.
Les écrans n’ont pas fonction de décors mais de cadre, comme les vignettes d’une bande dessinée.

 

La chorégraphe : J’inspire mon être…
La comédienne : Sculpter est doublement chorégraphique. (Elle tourne autour de la chorégraphe concentrée sur son souffle.) Camille, au contact de Rodin, comprend que le sculpteur, contrairement au peintre qui a une vision unique du modèle qu’il représente, doit en observer toutes les faces en même temps.
La chorégraphe : J’expire le geste…
La comédienne : …et, comme c’est impossible aux assis des ateliers, le sculpteur doit nécessairement se déplacer autour de son modèle, quand le peintre, lui, reste statique. Mais il rencontre une difficulté supplémentaire dans le fait que ce mouvement doit le ramener au tas de glaise d’où il va devoir repartir pour mieux revenir. Alors le mouvement du corps du sculpteur autour du modèle…
La chorégraphe : J’inspire mon être…
La comédienne : …et celui de ses bras, de ses mains, de ses doigts, contre la glaise, dans la glaise, sur la glaise…
La chorégraphe : J’expire le geste…
La comédienne : …se fait dans le même souffle.
Camille Claudel - scène 8