Camille Claudel (1864-1943) est une sculptrice de génie que l’histoire de l’art a trop longtemps négligée. Il faut dire que la famille Claudel – l’académicien et écrivain Paul Claudel, frère de Camille, en tête – s’est longtemps évertuée à faire oublier cette existence pathétique, pour éviter tout scandale.
Figure tragique de l’artiste maudit par excellence, Camille Claudel a inspiré ces trente dernières années de nombreux cinéastes et chorégraphes, preuve, s’il en est, de la force de cette existence et de son œuvre.
Camille Claudel connaît dès l’adolescence l’appel de la glaise et parvient, à l’aube de ses dix-huit ans, grâce à son talent et à l’appui d’un maître, Alfred Boucher, à convaincre son père, non sans contrarier profondément sa mère, d’aller à Paris. Là, elle rencontre Auguste Rodin, de 24 ans son aîné, dont le travail est enfin reconnu à sa juste valeur, qui est d’abord son professeur et employeur.
Entre les deux sculpteurs va naître une formidable histoire d’amour, entre création artistique et déchirements passionnels. Camille pose pour Auguste. Auguste pose pour Camille. Auguste Rodin, homme à femmes, est liée avec une de ses anciennes modèles, Rose Beuret, avec laquelle il a eu un fils. Camille veut Rodin pour elle-seule mais le sculpteur comprend qu’il est difficile de vivre avec Camille, tant est violent son caractère. Paul Claudel, fervent catholique, et sa mère, profondément conservatrice et bourgeoise, condamnent cette relation et rejettent Camille. Seul son père restera jusqu’au bout un soutien, lui qui n’a jamais voulu contraindre ses enfants.
Au bout d’une dizaine d’années, Camille reprend sa liberté et quitte Rodin. Son talent et sa maîtrise de la sculpture sont à leur sommet. Mais peu à peu, Camille s’isole : difficultés d’argent, difficultés pour faire reconnaitre son travail, difficultés relationnelles avec son entourage. Elle est gagnée peu à peu par une forme de paranoïa qui prend pour visage Rodin. Elle est persuadée que Rodin fait tout pour lui nuire, qu’il lui vole ses idées et ses sculptures.
En réalité, Rodin veille sur elle, agissant dans l’ombre pour qu’on lui passe des commandes.
Les difficultés pour Camille s’accroissent au tournant de 1910. Elle détruit une partie de ses œuvres. Elle reste des mois enfermée dans son atelier appartement, ne sortant que la nuit pour parfois faire les poubelles.
À la mort de son père, sa mère et son frère, qui était pourtant très proche d’elle dans leur jeunesse, qui mène une brillante carrière de diplomate, décident de faire interner Camille. Elle passera ainsi 30 ans de son existence complètement isolée, selon les vœux de sa famille qui veut voir disparaître ce scandale vivant. Des dictionnaires dans les années 50 indiquent même 1920 comme date de son décès.
Sa mère n’ira jamais la voir à l’asile psychiatrique, à Montfavet. Son frère seulement douze fois en trente ans. Elle cesse complètement de sculpter. Rodin, qui a légué toutes ses œuvres à l’état en l’échange de la création d’un musée Rodin, veut réserver une salle à l’œuvre de Camille Claudel. Mais la famille s’oppose à cette décision et Paul Claudel ne l’acceptera que dans les années 50.
Camille Claudel meurt en 1943 dans une complète misère. Son frère vient d’acheter le château de Brangues. Elle est enterrée dans la fosse commune du cimetière de Montfavet, la famille n’ayant pas réclamé le corps.